Yak Rivais
Les poings serrés de Milo Dias.
« A tout pouvoir sa caricature et son carnaval ».(Michel Leiris)
Au commencement étaient Daumier et ses parlementaires, et les grimaciers de Messerschmitt. Au commencement, car dans l’œuvre de Milo Dias, si le déclencheur relève bien de la satire et de la dérision par le jeu d’une caricature obsessionnellement renouvelée, il convient de repérer deux temps : une première époque, ici exposée, à la recherche du réel perdu ou en danger de l’être, et une deuxième époque (non exposée) étayée par l’imaginaire et le recours aux rebuts intermédiaires, moteurs de « l’art singulier. »
« Tout homme est responsable de sa gueule », disait Jean-Paul Sartre. Les expressions des têtes de Milo Dias doivent au « hasard objectif » des surréalistes le surgissement de la vérité physique des personnages, entre douleur et raillerie, comme s’il s’agissait de les démasquer par l’émergence du masque.
En 1989, Milo Dias voit son père décéder d’un cancer foudroyant : il serre les poings de colère et d’impuissance devant la souffrance éclatée. Il serre les poings avec la terre dedans, qu’il écrase, maltraite, malaxe, organise et résume en trognes d’êtres humains réduits aux mimiques. Des gens peu sympathiques, malheureux (« Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux » assénait le Caligula d’Albert Camus), grinçants par défense, « comme une façon de poser des limites à ce qu’il y a de détestable dans la nature humaine », dit Milo Dias. Louis-Ferdinand Céline résumait autrement : « Chacun pleure à sa façon le temps qui passe ».
Préface du catalogue « Milo Dias, Sculptures Figuratives » (2018)